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Le syndrome Ivanov 

D'après Ivanov d'Anton Tchekhov

Bouton

CREATION 2021

Note d'intention

 

Dans la pièce de Tchekhov, Ivanov dans un état de déréliction, de désamour de lui-même et du monde finit par se tirer une balle dans la tête.

Les actes construisent, explicitent le chemin inéluctable vers lequel il se dirige.

Avec une précision chirurgicale, Tchekhov dissèque les relations humaines, les sentiments, les appartenances, les fragilités, les endroits faillibles, la mort des attaches affectives, la perversité des rapports sociaux, l’intérêt « usurier » de certaines relations qui n’ont aucun état d’âme, le racisme, l’antisémitisme ordinaire, etc.

Une peinture sans concession d’un monde aux pathologies multiples.

C’est un médecin qui parle des symptômes de ces maladies.

 

On le sait, les pièces de cet auteur sont très régulièrement montées, de nombreuses analyses produites. Beaucoup de dramaturgies et d’interprétations virtuoses…

 

Dans le projet « Le syndrome Ivanov », il ne s’agit pas de mettre en scène le texte mais de partir de celui-ci pour interroger certains sentiments contemporains très prégnants.

C’est aussi comme un retour aux sources, une revisite des motivations, une réinterprétation des œuvres théâtrales des auteurs qui m’ont amené à créer la compagnie théâtre de chambre en 1987.

Tchekhov et Vinaver en étaient deux piliers essentiels.

Mais cela est plutôt anecdotique.

C’est une espèce de sourire complice à ceux qui ont nourrit une pensée, une réflexion, un chemin et qui finalement m’ont permis « d’habiter quelque part ».

« Son endroit de théâtre » est une architecture qu’on élabore au fur et à mesure.

Sa connexion aux voisinages plus ou moins ouverte, plus ou moins directe fait partie du « cahier des charges ».

 

A partir « d’Ivanov », je voudrais chercher, mettre en chantier ce qui peut nous séparer du monde.

Nous mettre en désamour de nous-même, des autres et envisager « l’acte ultime. »

La fenêtre par laquelle on voit aujourd’hui les espaces sociaux, leurs moteurs qui semblent hors de contrôle, l’évolution de l’humanité, son impact sur l’environnement, l’idée de la consommation XXL, la « Finance Reine », la dette nationale comme priorité fondamentale, la peur des « Autres », le « Travail » renvoyé à l’allégeance aux nécessités des outils au service de la progression du « Capital », l’individu nié en tant que personne désirante et chargée de rêves, etc.

La fenêtre, cette fenêtre, par laquelle je regarde les paysages est d’un flou vert de gris à faire peur.

Alors déplacer l’axe.

Travailler le regard. La lumière.

Arrêter le temps pour questionner.

Retrouver de la poésie.

L’espace de la liberté. De la légèreté. Du désir des choses.

 

Pistes de travail

 

Une suspension du temps.

Arrêter la balle dans le trajet qui l’emmène droit au cerveau d’Ivanov.

Er rembobiner le film différemment.

Regarder.

Revivre.

Réinventer.

Romancer.

La fiction (Ivanov) se mêle au réel.

Les langues se confondent.

Où est le personnage qui parle ? Dans quel espace ?

L’Acteur/Personnage.

Celui qui joue à Ivanov sans vouloir être celui qui accomplit l’acte ultime.

Renvoyer cet acte ultime au théâtre pour vivre.

Pour vivre finalement.

Ou

Ou peut-être pas.

Mais quand même tenter.

Tenter.

« Le dur désir de durer » disait l’autre.

Jouer des situations.

Fiction Réalité.

Acteur Personnage.

S’amuser du vertige.

De l’abîme de sens.

Mise en abîme justement.

Une question de théâtre…

 

On le sait,

L’endroit du théâtre est aussi celui des questions.

Questions distillées dans l’alchimie d’une lecture sensible mise en acte et en corps.

Questions qui parlent de décalages de réinventions d’interprétations multiples.

De marges.

De dérives.

D’amnésies.

De tragédies.

D’héroïsmes aux rires légers dans les tempêtes.

Et de tant d’autres choses.

Un endroit de tentatives d’écritures pour parler du monde de notre humanité.

De partages de regards.

D’horizons singuliers.

Un endroit où l’on met en jeu,

Des mots des images des sons des couleurs les mouvements des corps,

L’agitation des sentiments.

Pour essayer d’être l’un des acteurs de l’architecture du paysage.

Enfin si l’on parle d’un théâtre qui voisine fenêtres et portes grandes ouvertes sur le temps présent

Qui ne se veut pas fabricateur « d’absence » mais,

Interprète libre des pulsations cardiaques du voisinage.

Un lieu de citoyenneté à part entière.

Un théâtre « habitant » d’un endroit.

Un endroit de résonnance via les cordes sympathiques d’une partition écrite comme une proposition « invitative » aux « Personnes » et à leurs cultures.

Un endroit qui cherche la poésie dans les dissensions.

Qui cherche du « commun » constructible.

Même s’il y a colères, révoltes, éloignements, oppositions etc.

Un endroit de dialogues où ses « ouvriers » (l’ouvrier est celui qui œuvre) tentent des perspectives.

 

Une dramaturgie qui joue à faire dialoguer un texte et notre propre rapport inquiet au monde contemporain.

Le texte de théâtre comme point d’appui.

Ivanov et son « syndrome » comme point de départ.

 

Distribution

 

Jean-Louis COULLOC'H

Il a beaucoup travaillé Tchekhov et son long compagnonnage avec le « Radeau » de François Tanguy lui a donné le goût des chantiers et des écritures de plateau.

Ce projet est aussi venu de notre rencontre et de nos discussions multiples.

Et une envie forte est née de travailler ensemble pour de mêler vie et fiction, tricoter avec la langue d’un texte et notre propre langage, nos propres fils de vies avec ses errances, ses doutes et ces petites lumières qui font qu’on s’invente un chemin…

 

Extraits d’une conversation avec Jean-Louis quand je lui ai demandé de me parler de sa vie :

 

«  …je suis né en 1961 à Sétif en pleine guerre d'Algérie… revenu en France deux ans plus tard… mes parents ont porté toute leur vie un profond traumatisme de guerre… 
….j’ai passé une partie de mon enfance à Douarnenez dans le Finistère sud.

… vers 14-15 ans j’ai commencé à bosser à droite, à gauche dans les hôtels restaurants de la région pour le meilleur comme pour le pire…. jusqu'à commencer un apprentissage douloureux dans le pays bigoudin…. au bout de trois années passées là-bas CAP de cuisine en poche, j’ai décidé de monter à Paris… histoire de voir du neuf et de tenter ma chance,
…j’ai commencé comme commis de cuisine dans les grosses brasseries parisiennes, le boulot n'était pas facile mais je me sentais libre… au bout d'un temps j’ai breaké avec la restauration pour faire des petits métiers divers et variés (ouvrier massicoteur dans une imprimerie à Clichy, vendeur de chaussures chez André à St Michel…père Noël à la Défense durant les périodes d 'hiver… barman au théâtre de la gaieté à Montparnasse, déménageur à Clignancourt, brancardier à st Anne aux soins intensifs  et j 'en passe... le théâtre est venu bien après… petit à petit ; de rencontre en rencontre avec des gens formidables qui m 'ont aidé (ou pas aidé) à trouver un chemin…

des gens comme Alain Olivier, Henry Ronan, Jean Claude Fall, Thierry Bédard, Madeleine Marion, Claude Régy, François Tanguy, Pierre Meunier, Daniel Jeaneteau, Pascale Ferran, Pierre Guyotat et d'autres encore…la liste est longue…

Et puis pas mal de cinéma, de télévision…

Et l’envie aujourd’hui de retrouver du sens, des aventures qui construisent vraiment…»

Pierre COURCELLE

J’ai rencontré Pierre et ses multiples talents à l’occasion d’un spectacle événement un peu fou qui se déroulait sur plusieurs lieux lors du festival « Les Nuits Secrètes ». Pierre, entre autres, chantait du Marlène Dietrich, jouait du piano en même temps qu’il composait une pièce montée avec de la crème pâtissière…

J’ai encore dans l’oreille son : « Ich bin von Kopf bis Fus auf Liebe engestelt… »

Nous avons eu ensuite plusieurs rendez-vous performatifs et puis je l’ai suivi au travers de ses blogs poétiques, de ses expériences multiples à droite et à gauche.

L’inviter à partager ce « chantier Ivanov » fut comme une évidence…

 

Fragments de textes que m’a envoyés Pierre :

J’ai d’abord et toujours de la musique dans la tête, une ligne mélodique, un enchaînement d’accords. J’aime bien les morceaux qui commencent sur une espèce d’indécision, entre deux tonalités, on ne sait pas où ça ira. J’ai rêvé les musiques avant de l’apprendre, je rêvais devant des claviers dont je ne connaissais pas la mécanique ni les harmonies. Mon premier public était l’assemblée des croyants, j’ai tenu les orgues de deux églises pendant une dizaine d’années.

Le théâtre est venu plus tard, par les études, le texte, d’abord le texte…

À Paris, Yves-Noël Genod m’a poussé dans mes retranchements, j’ai joué mes morceaux les yeux dans les yeux avec un gros lapin blanc qui trônait sur mon piano, sous une neige artificielle. J’arrivais sur scène en costume ministériel et j’enfilais sur scène un costume élisabéthain pour devenir un improbable flûtiste dans Vénus et Adonis de Shakespeare…

Ivanov…

J’ai pensé à un texte de Laborit qui est une grille de lecture sur la fuite de la réalité, et la fuite par le suicide notamment… Le premier chapitre de l’Eloge de la fuite se termine ainsi : « Il y a plusieurs façons de fuir. Certains utilisent les drogues dites « psychotrogènes ». D’autres la psychose. D’autres le suicide. D’autres la navigation en solitaire. Il y a peut-être une autre façon encore : fuir dans un monde qui n’est pas de ce monde, le monde de l’imaginaire. Dans ce monde on risque peu d’être poursuivi. »

 

Scénographie

 

Un certain dépouillement.

Un plateau nu et ouvert.

Pas de transposition, nous sommes bien au théâtre. L’endroit du jeu au théâtre.

Une fenêtre sur l’extérieur et en même temps une fenêtre sur « l’intérieur. »

 

Plusieurs étapes de travail

 

1/ Des laboratoires de recherche pour fouiller le rapport au texte de Tchekhov, déclencher une écriture de plateau et poser les axes principaux.

 

2/ Un mois de répétitions avant la création.

 

 

> Equipe

 

Deux acteurs.

Un technicien son.

Un régisseur.

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